A l’issue de ses investigations, le détective privé rédige un rapport d’enquête qui vient clôturer son travail. Ce rapport écrit, remis au client ou à son avocat, peut être purement informatif et à des fins stratégiques, ou être destiné à être produit en justice.
Nature d’un rapport d’enquête d’enquêteur privé
De la finalité du rapport d’enquête va dépendre la forme qu’il prend. Si le rapport est destiné à être produit en justice, celui-ci doit être précis, détaillé et circonstancié afin de prouver au magistrat que l’enquête réalisée est sérieuse et objective, c’est-à-dire sans modification ni interprétation.
Ce rapport de détective est un levier décisif et stratégique pour défendre ses intérêts en justice. Toutefois, afin de pouvoir être versé aux débats devant une juridiction, il doit respecter certaines règles tant sur le fond que sur la forme.
Ainsi, le détective auteur du rapport, ou le dirigeant de l’agence qui l’emploie, doit être identifiable et dûment habilité à exercer l’activité de recherche privée.
Recevabilité en justice du rapport d’enquête d’un détective privé
Même s’il n’est pas établi contradictoirement, la Cour de cassation a très tôt consacré l’admissibilité en justice du rapport d’enquête dans un arrêt datant de 1962 en approuvant une Cour d’appel ayant prononcé un divorce en se fondant sur un rapport de filature (Cass. 2e Civ. du 7 novembre 1962 n° 1020, Brunet c/ Garnier, dit arrêt Torino).
« fait grief a l’arrêt d’avoir prononce le divorce, aux torts de dame x…, en se fondant uniquement sur les dépositions de détectives, appointes par son mari, sans répondre aux conclusions de dame X »
« l’arrêt relève, tant par ses motifs propres que par ceux qu’il adopte, que dame x… n’avait produit aucun élément contredisant les faits précis relates par les personnes chargées de sa filature, dont les déclarations n’étaient empreintes d’aucune animosité ; »
Au nom du principe de liberté de la preuve, le rapport d’enquête d’un détective privé est ainsi considéré au même titre que n’importe quel autre moyen de preuve et son appréciation est laissée au magistrat qui aura la charge de l’examiner (article 1382 du Code civil, anciennement 1353). Ce faisant, le juge doit s’assurer de la loyauté de la preuve et devra écarter le rapport si les éléments obtenus l’ont été par des manœuvres frauduleuses ou illicites.
Le respect de la vie privée dans un rapport d’enquête de détective privé
Les violations de la vie privée constituent l’écueil le plus fréquent pour la recevabilité des rapports d’enquête. En effet, conformément aux articles 9 du Code civil et 8 de la CEDH, la production d’éléments de preuves ne saurait porter une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée des personnes eu égard à l’objectif recherché.
Rappelons que, a contrario, les atteintes à la vie privée sont admises si elles sont indispensables à l’exercice du droit de la preuve et proportionnées au but recherché (arrêt Cass. 1ère Civ. du 25 février 2016).
« le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée qu’à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi ; »
Tout est ainsi affaire de proportionnalité et il appartient au détective de définir le cadre légal exact de son intervention pour mesurer précisément l’étendue de la proportionnalité de la preuve rapportée, laquelle varie selon la nature de l’affaire : civile, familiale, commerciale, sociale ou encore en droit des assurances.
En matière salariale, il convient de souligner que le rapport ne sera recevable devant les juridictions prud’homales que si le salarié a été préalablement informé que des mesures de surveillances seraient susceptibles d’être mises en œuvre (Article L 1222-4 du Code du travail).
En conclusion, la recevabilité du rapport d’enquête repose sur le professionnalisme du détective privé, à qui il incombe de rester objectif et de parfaitement maîtriser le cadre légal de son intervention.