Un arrêt-maladie abusif est une plaie pour l’entreprise victime. En effet, cet arrêt de travail souvent obtenu par l’entremise d’un médecin complaisant déséquilibre l’organisation des équipes, coûte cher à l’entreprise et envoie un mauvais signal aux autres salariés.
Afin d’éviter qu’une telle pratique se propage au reste des salariés, il est important de mener une lutte sévère contre les arrêts-maladies abusifs.
Définition d’un arrêt maladie abusif
Un arrêt maladie est dit abusif ou de complaisance lorsqu’il est sans fondement médical, c’est à dire que l’état de santé du salarié ne peut loyalement justifier son arrêt.
Lors d’un arrêt de travail pour maladie, plus couramment appelé arrêt maladie, le salarié est indemnisé par la sécurité sociale et, le plus souvent, il perçoit également des indemnités complémentaires de la part de son employeur.
En effet, à partir d’un an d’ancienneté, un salarié en arrêt maladie bénéficie d’une indemnité complémentaire de la part de son employeur après un délai de carence de 7 jours.
A ce titre, employeur et CPAM ont un droit de contrôle sur la réalité de l’arrêt maladie du salarié. Si la sécurité sociale n’a ni le temps ni les moyens de procéder à des contrôles systématiques, l’employeur, première victime d’un arrêt maladie abusif, dispose de plusieurs solutions.
L’employeur face à un arrêt maladie abusif
Le contrôle d’un arrêt de travail par l’employeur est possible conformément aux articles L315-1 à L315-3 du code de la sécurité sociale.
En l’absence de disposition conventionnelle, l’employeur mandate le médecin de son choix pour réaliser la contre-viste médicale (Cass. soc. 20 octobre 2015 n° 13-26889 D et n° 13-26890 D).
Plusieurs sociétés proposent ce type de prestation et disposent d’un réseau de médecins contrôleurs sur tout le territoire français.
Contrôle d’un arrêt maladie avec heures de présence au domicile obligatoires
Cette vérification inopinée de l’arrêt maladie permet de vérifier si le salarié est bien chez lui pendant les heures de présence obligatoires à son domicile (de 9h à 11h et de 14h à 16h du lundi au dimanche y compris les jours fériés).
En cas de présence du salarié, le médecin contrôleur ausculte le patient et évalue son état de santé afin de déterminer s’il justifie un arrêt maladie ou s’il s’agit d’un arrêt maladie abusif.
L’employeur peut suspendre le versement de ses indemnités complémentaires en cas :
- d’absence du salarié à son domicile
- de refus du contrôle de la part du salarié
- de conclusions du médecin contrôleur de résultat favorable à l’employeur.
Notons, que la CPAM, Caisse primaire d’assurance maladie, peut également suspendre les indemnités journalières versées au salarié après communication des conclusions du médecin contrôleur.
Vérification d’un arrêt maladie de complaisance avec heures de sortie libres
Un patient souffrant de dépression se voit souvent prescrire des heures de sortie libres de la part de son médecin traitant.
Dans ce cas, l’employeur doit préalablement annoncer la contre-visite médicale à son salarié.
Aussi, deux possibilité s’offrent au médecin contrôleur :
- un rendez-vous de contrôle au domicile du salarié
- une convocation du salarié à un examen médical au cabinet du médecin contrôleur
Par expérience, la convocation du salarié à un RDV médical au cabinet du docteur est la plus efficace.
De la même manière, l’employeur peut suspendre les indemnités en fonction de la présence du salarié lors de ce contrôle, de son acceptation de ce contrôle médical et du résultat de l’examenn médical.
Enfin, relevons que sauf exception, il n’est pas possible de licencier un salarié sur la base d’un arrêt de travail abusif comme le prévoit l’article L.1132-1 du code du travail :
(…) aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié (…) en raison de son état de santé (…).
Seules des absences répétées ou prolongées entraînant une désorganisation de l’entreprise peuvent ouvrir la voie d’un licenciement. Cependant la jurisiprudence sociale protège grandement les salariés et cette éventualité est donc risquée.
L’arrêt maladie abusif et le détective privé
L’article L1222-4 du code du travail précise :
« Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. »
Ainsi, un rapport d’enquête de détective privé n’est recevable devant le conseil des prud’hommes que si le salarié surveillé a préalablement été prévenu qu’un enquêteur privé pouvait le contrôler.
Si de prime abord, le détective privé n’a donc pas de rôle à jouer en matière d’arrêt maladie abusif, la réalité est tout autre.
En effet, le rapport d’enquête d’un détective peut tout de même servir de fondement pour sanctionner un salarié et suspendre ses indemnités complémentaires.
Licenciement du salarié pour faute grave lorsque celui-ci travaille pour un concurrent
Dans son arrêt de principe du 28 janvier 2015, la Cour de cassation a validé le licenciement d’un salarié en arrêt maladie alors que celui-ci travaillait pour une entreprise concurrente.
Le 28 mars 2013, la cour d’appel de Colmar s’était appuyée sur le rapport d’enquête d’un détective privé pour rendre son arrêt en faveur de l’employeur.
La Cour de cassation a estimé que le licenciement pour faute grave du salarié pendant son arrêt maladie était justifié car :
« la salariée avait exercé, pendant son arrêt de travail pour maladie, une activité professionnelle pour le compte d’une société concurrente ; (…) l’exercice d’une telle activité causant nécessairement un préjudice à l’employeur, un manquement à l’obligation de loyauté rendant impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise »
Si le salarié travaille pour une entreprise concurrente pendant son arrêt maladie, son employeur peut le licencier sur la base du rapport d’enquête d’un détective privé.
L’huissier comme complément des surveillances du détective privé
Dans le cas où le salarié ne travaille pas pour une entreprise concurrente, les constatations de l’enquêteur privé permettent préparer un constat d’huissier.
En effet, conformément à l’arrêt de principe de la Cour de cassation du 6 décembre 2007 (Cass. Soc., 6 décembre 2007, pourvoi n° 06-43392), un détective privé peut intervenir préalablement :
« mode de preuve licite un constat dressé par un huissier qui s’est borné à effectuer dans des conditions régulières à la demande de l’employeur des constatations purement matérielles dans un lieu ouvert au public et à procéder à une audition à seule fin d’éclairer ses constatations matérielles »
Ainsi, conformément à la jurisprudence, un constat d’huissier permet de sanctionner un salarié, même en arrêt maladie.
Plainte pénale contre le médecin pour arrêt maladie de complaisance
Relevons enfin qu’un autre moyen de lutter contre les arrêts maladies abusifs est de viser les médecins prescripteurs de ces arrêts de travail.
En effet, l’article R. 4127-28 du code de la santé publique indique que :
« La délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite. »
En commentaire de cet article, le Conseil national de l’Ordre des médecins ajoute :
« Ne pas établir d’avis d’arrêt de travail faisant état de faits matériellement inexacts sous peine de s’exposer à des sanctions pénales. »
Ainsi, plusieurs décisions de chambres disciplinaires régionales de l’Ordre des médecins ont sanctionné les médecins qui ne pouvaient prouver la visite et l’examen médical du salarié.