Une action en contrefaçon est spécifique à chaque droit de propriété intellectuelle et respecte des règles de procédure qui lui sont propres. Analysons plus spécifiquement une action judiciaire en contrefaçon de marque.
L’action en contrefaçon de marque
Une procédure en contrefaçon peut être engagée par le propriétaire ou le copropriétaire des droits, par le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation ou par un licencié (art. L. 716-5 du CPI).
Il existe deux voies judiciaires pour faire respecter des droits de propriété intellectuelle.
L’action civile est facile et permet d’obtenir rapidement la cessation des activités du contrefacteur.
Par la voie pénale, des peines d’emprisonnement peuvent être prononcées à l’encontre des contrefacteurs alors que l’entreprise victime peut se porter partie civile afin d’obtenir réparation de son préjudice.
L’action pénale est plus longue mais permet d’enclencher la mise en œuvre de moyens d’enquête qui permettent à terme de remonter les filières.
Action civile en contrefaçon
L’action civile est très souvent privilégiée par les victimes car elle permet de faire rapidement cesser la contrefaçon et d’indemniser le trouble subi.
Elle doit être engagée dans les cinq ans à compter de la découverte de la contrefaçon sous peine de prescription. On parlera alors de forclusion par tolérance.
Depuis 1964, le tribunal de grande instance est seul compétent en matière de droit des marques, y compris lorsque la demande porte « sur une question connexe de concurrence déloyale » (art. L. 716-3 CPI).
Depuis 2007, seuls dix tribunaux de grande instance (TGI) sont compétents pour l’ensemble du territoire français : les TGI de Paris, Fort de France, Lille, Nancy, Strasbourg, Nanterre, Rennes, Lyon, Bordeaux, Marseille.
Les cours d’appel possèdent un chambre spécialisée en la matière : la 3ème chambre à la cour d’appel de Paris.
Cette spécialisation rationae materiae vise à optimiser le fonctionnement de l’institution judiciaire, l’expertise des juges et constitue :
« un élément essentiel du rayonnement du droit français dans le monde et de l’attractivité juridique du territoire français ».
En plus des dommages et intérêts permettant de réparer le préjudice subi par la victime, les condamnations civiles peuvent aboutir à de mesures d’injonction telles que :
- l’interdiction de poursuivre les actes de contrefaçon
- la confiscation et la destruction des contrefaçons et du matériel ayant servi à leur réalisation
- la publication et l’affichage de la décision aux frais du contrefacteur
- la production de tous les documents et informations permettant de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des produits contrefaisants.
- ou bien encore à la nullité du titre postérieur
Une procédure au fond est longue et coûteuse : par instance, il faut compter entre un an et un an et demi, et un coût entre quinze et vingt mille euros. Par ailleurs, les preuves de la contrefaçon doivent être collectées préalablement au procès.
Action pénale
La procédure pénale vise plus la sanction du contrefacteur même si elle permet d’indemniser la victime. Elle est beaucoup moins utilisée que la voie civile mais peut être privilégiée en cas de contrefaçon d’œuvre d’art, d’atteinte à des droits moraux, ou dans le cas de réseaux mafieux.
Le tribunal correctionnel est compétent et la plainte doit être déposée sur le lieu de domiciliation du défendeur ou sur le lieu où l’infraction a été commise. Les règles spéciales de compétences en matière civile ne s’appliquent donc pas. L’action en contrefaçon par la voie pénale est plus longue comme le précise l’INPI.
Les sanctions pénales en matière d’atteinte au droit des marques sont les suivantes :
Sanctions | Emprisonnement | Amendes | Délit en bande organisée | Doublement des peines |
Droits – CPI | ||||
Marque L 716-9 L 716-10 | Selon l’acte : 4 ans 3 ans | Selon l’acte : 400 000 € 300 000 € | 7 ans d’emprisonnement et 750 000 € | En cas de récidive En cas de lien juridique entre le titulaire et le contrefacteur (licence, contrat de travail, associé…) |
Dans les faits nous constatons que les peines d’emprisonnement ferme sont délivrées au compte gouttes puisqu’elles ne s’élèvent qu’à 138 pour 2014 et à 171 pour 2013.
Cependant, il faut prendre ces chiffres avec précautions dans la mesure où cabinets d’avocats et :
« cabinets de conseil en protection du droit de la protection intellectuelle, [sont] focalisés sur la récupération par tous les moyens des compensations financières au profit de leurs clients, au risque de neutraliser toute la procédure judiciaire. Leurs négociations sous le manteau avec les contrefacteurs empêchent toute statistique judiciaire fiable. »
En effet, il ressort du présent mémoire que la culture de la discrétion est une valeur forte qui anime les titulaires de droits de propriété intellectuelle. Dans l’ensemble, ces derniers considèrent que tout acte de contrefaçon rendu public est néfaste pour leur image et ils cherchent par conséquent à éviter toute publicité à ce sujet, même si un jugement leur est favorable.
Cela explique le grand nombre de transactions secrètes et rend difficile l’établissement de statistiques.
En plus des peines d’emprisonnement et d’amende, des sanctions pénales complémentaires peuvent être décidées par le juge et notamment :
- la confiscation des contrefaçons et du matériel ayant servi à leur réalisation
- la destruction des produits confisqués
- la fermeture d’établissements
- l’engagement de la responsabilité de la personne morale
- la publication du jugement
- la privation du droit d’élection et d’éligibilité en cas de récidive